Hier midi , « La grande table » sur France Culture.
Il est question d’une adaptation d’Hamlet au théâtre de Chaillot : « Au moins j’aurais laissé un beau cadavre » , mis en scène par Vincent Macaigne.
On nous passe un extrait sonore.
Insupportable.
De toute façon, je n’aime pas le théâtre.
Et celui-là me paraît être la quintessence de tout ce qui dans le théâtre me fait fuir.
Un adjectif résumera mon impression.
Trop.
C’est « trop ».
Trop bruyant.
Trop présent.
Trop montré.
Trop ici et pas ailleurs.
Je ne m’entends plus penser. Il n’y plus la petite place pour les mouvements de mon âme.
L’impression que l’acteur est une enveloppe vide. Qu’il n’y a rien à l’intérieur. Qu’il s’agite d’autant plus qu’il est vide. Une espèce de grand guignol.
Ça hurle, ça gueule, ça fait du bruit.
Moment étonnant pour moi puisque cette mise en scène manifestement outrée, superlative, ne me parait faire qu’accentuer, me le rendant dans cette mesure même, plus perceptible, cela même que je ne supporte pas dans le théâtre.
Je vais encore aggraver mon cas.
La première fois que je suis allée au théatre, c’était avec le lycée, en terminale. Il y a donc plus de 40 ans. Et depuis, je crois ne pas y être allée plus de 3 ou 4 fois. Chez moi on n’allait pas au théâtre, mais je ne crois pas que ça vienne de là. Car on n’allait pas non plus au cinéma ni au concert. Et il n’y avait même aucun livre à la maison. Et je raffole du cinéma ! Et je suis une lectrice infatiguable. Je vais aussi de temps en temps au concert mais déjà, c’est plus difficile car l’interprète présent me gêne dans mon écoute de la musique !
C’était aussi, cette pièce que j’ai vue, au Palais de Chaillot mais j’ai oublié ce que c’était.
C’était :TROP.
Insupportable de présence tonitruante.
C’était FAUX.
Certes mon total d’éducation théatrale fait sans aucun doute de moi une critique bien piètre. Une sepctatrice particulièrement débile.
N’empêche.
Depuis une vingtaine d’années, je ne cesse de lire et de relire le philosophe Marc Richir et il évoque (de plus en plus souvent d’ailleurs) le théâtre. Le personnage de théâtre à propos de la « phantasia perceptive ». Eh bien tout ce qu’il dit m’intrigue beaucoup parce qu’intuitivement cela me parait d’une justesse admirable. Sauf que je n’en ai jamais fait l’expérience les rares fois où j’étais au th^éatre ! Pourtant, une fois, j’ai vu une très bonne pièce, c’était La bête dans la jungle de Henri James mis en scène par Margueritte Duras et interprétée par Sami Frey et Delphine Seyrig. Delphine Seyrig m’a toujours fascinée. Delphine Seyrig dans L’année dernière à Marienbad. Delphine Seyrig dans India Song.
Delphine Seyrig toujours absente.
Eh voilà qu’elle était là sur la scène, en chair et en os.
Pour moi cela a tout fichu en l’air.
Dans ce cas, je suppose que je ne peux invoquer une défaillance dans le jeu des acteurs !
Alors pourquoi ?
Parce qu’il me semble qu’il est très difficile de préserver au théâtre cette dimension d’absence qui pourtant en est constitutive.
Et même s’il y a là de toute évidence une infirmité personnelle, cela ne m’empêche pas de faire des différences. Au moins avec La bête…on pouvait écouter le texte.
Et là, dans ce qu’on nous a passé à la radio :non.
Il y avait avec la femme qui organise l’émission, Caroline Broué, plusieurs intervenant, donnant leurs impressions.
La discussion tourne principalement autour de « théatre de texte/théâtre de corps ».
Le premier dont j’ai oublié le nom a vu la pièce et se dit furieux. Il s’exprime librement et sait déjà qu’il va passer pour « ringard ». Il le dit. Pourquoi ? Parce qu’il rejette les hurlements, les provoques à deux balles, l’intrusion des acteurs dans la salle, l’agression permanente des spectateurs : on leur dit autoritairement de se lever, de s’assoir, de hurler etc…On veut le« déranger » , selon l’expression désormais consacrée.
Bande de cons va !
Le type ne se laisse pas désarçonner : il se plaint qu’on ne le laisse pas tranquille, un autre dit aussi qu’il n’a pas envie qu’on vienne l’empêcher d’imaginer, de prendre le temps etc.. « j’ai besoin de me sentir coupé »dit-il.
Ils déplorent ces corps nus et volontairement grossiers, la copulation sur scène etc.
Et disent des choses très intéressantes qu’il peut être bon d’écouter sur le site de FC.
Et en écoutant tout ça, je me demande une fois de plus (ce que je me demande souvent face à bien des performances) :
Mais où est passé la phantasia perceptive ?
Parce que même si je prends en considération le fait qu’elle fonctionne mal pour moi au théâtre, je sais que je la mets parfaitement en œuvre quand je lis un roman, ou que je regarde un film (entre autres). Et si je ne supporte pas non plus les adaptations cinématographiques des œuvres littéraires, c’est précisément parce que l’adaptation montre toujours :
TROP
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