Maintenant, je fais très attention à mes titres de messages.
Parce qu'un des rares moyens qui restent de diffuser l'information sur ce qui se passe actuellement en psychiatrie est d'écrire des textes qui peut-être seront lus. Au hasard d'une recherche Google.
Ce qui se passe à l'hopital de jour où je suis psychologue est particulièrement catastrophique.
Démagogie: tout le monde a également droit , non pas à la parole, ce qui est normal, mais à la décision.
Un point de vue quelque peu éclairé est aussitôt qualifié de point de vue subjectif. "C'est ton point de vue, j'en ai un autre". Le relativisme fait des ravages.
L'absence de références théoriques est flagrante. On mélange allégrement des morceaux de DSM.IV et de vagues notions de psychanalyse psychologisée. L'absence de préparation à l'approche d'un schizophrène (puisque nous recevons surtout des schizophrènes) est attérante, inquiétante.Une expression revient souvent quand il s'agit de commenter le comportement d'un patient: "ce qu'il nous montre..."; dommage que la suite de la phrase soit à peu près toujours la même: il refuse les soins.Et on ne peut pas admettre ça.
Les erreurs graves sont quotidiennes.Une certaine fétichissation du cadre conduit certains à perdre toute humanité.
Hier, il neigeait. J'ai voulu faire entrer les patients qui attendaient l'heure d'ouverture derrière la porte, sous la neige qui s'était mise à tomber.Violente opposition d'une soignante en qui j'ai d'habitude une certaine confiance. On doit ne pas céder sur le respect du cadre.Madame Lejeune (voir messages précédents) lui emboite le pas.
Notre psychiatre qui garde un bon sens paysan, si je puis dire, les a fait entrer mais on l'attend au tournant. La pauvre a promis que c'était exceptionnel. Madame Lejeune qui n'en rate pas une:
-on en reparlera quand il neigera en février et en mars; vous ferez comment?
Et si cette neige était l'occasion d'offrir un peu d'humanité dans un lieu qui en manque cruellement.
Certes, je serai la première à dire qu'on ne fait pas de la psy avec de bons sentiments. Mais il ne s'agissait pas de sentiment. De pitié. D'attendrissement. Il s'agissait d'une sorte de bon sens et d'un minimum de souplesse un peu généreuse. On a fini par travailler comme des robots.On a surtout fini par se conformer à un cadre de façon si absolument aveugle que les images qui vous viennent sont celles des régimes totalitaires.
Là aussi, il y avait (il y a) le bien et le mal et l'idéologie était(est) inflexible.Pour le bien non seulement de la société mais des récalcitrants.
On réduque. On gueule. On cadre. On interdit. On réprime.On parle de signalement. On sent que certains seraient assez contents de "signaler" un patient qui vit dans une chambre bourrée de toutes sortes de choses dont on ne veut pas entendre parler.
Celui-là, le même qui est actuellement "dans le collimateur" s'arrange pour ne pas venir aux rendez-vous avec ses "référents".
-Il faut le mettre face à ses contradictions.Il vient dans un hopital mais il refuse les soins.Il est fuyant.
Et les contradictions des soignants que le patient ne veut plus laisser le cadrer à mort?
Et si ces soins n'en étaient pas?
Et s'il refusait avec raison d'endosser l'image pas très enviable qu'on lui renvoie?
Je pense souvent à Jean Oury pendant les réunions. Il m'est arrivé d'y faire allusion.
Peine perdue.Les rares qui ont entendu parler de son nom en ont une image...délirante.
mercredi 8 décembre 2010
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je suis d'accord avec vous,le cadre doit être adaptable.Je suis infirmière psychiatrique belge et j'en ai connu aussi des oppositions!Tenez bon et bon courage.
RépondreSupprimerNoëlle close
Ps:j'aime beaucoup jean Oury